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  • : Morlaix Socialiste
  • : Blog de la section morlaisienne du Parti Socialiste
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Chers camarades,

Il aura donc fallu une troisième défaite présidentielle pour que nous reprenions le chemin du travail et de la confrontation idéologique. Cette relation entre le socialisme et le marché est pourtant au cœur de toute problématique de progrès social.

§1. ni marxiste ni social-libéral : un nouveau rapport au marché

La notion de marché a fortement évolué depuis la création du Parti socialiste. La chute du Mur et l’explosion de la mondialisation ont, on nous l’a trop souvent répété, consacré la victoire planétaire du marché. Tous les pays, et même tous les espaces de vie, sont devenus des espaces de conquête potentiels pour le règne du marché.

Entre socialistes européens, le débat s’est alors porté entre une ligne accommodante avec le marché, appelée « la troisième voie » en Grande Bretagne, et une ligne plus combative mais non théorisée, la nôtre.

 

Le projet « social-libéral » consistait à convaincre les classes moyennes que les partis de gauche étaient les gestionnaires les plus efficaces du capitalisme. Le caractère « progressiste »  était attesté par un rôle actif de l’État dans le seul domaine « sociétal » – les valeurs, le  droit de la famille, le « supplément culturel ». Dans le même temps, la diminution des prestations sociales, de la redistribution fiscale, l’accélération des privatisations des services publics et l’adaptation des systèmes sociaux à un espace européen étaient censés apporter un surcroît de croissance.

Sans débat au fond, ce sont les électeurs de chaque pays qui ont tranché. Et le résultat ne s’est pas fait attendre. La défaite électorale a frappé sans choisir entre les tenants de cette ligne et celle que nous incarnions : France, Danemark, Suède, Autriche, Allemagne. La liste est longue.

 

Nous avons donc au moins la consolation de ne pas être seuls face à nos interrogations. La fondation Friedrich Ebert, dans sa note d’octobre 2007, analyse la coïncidence des difficultés que traversent les partis de gauche dans les pays européens.  Elle appelle les uns et les autres à ne pas chercher de vieilles recettes marxistes ou sociale-libérale pour retrouver la voie de la victoire politique mais bien de travailler à la construction d’une nouvelle orientation, notamment dans la relation entre marché et socialisme.

§2. la démocratie de marché : le primat du politique pour la stabilité du système économique

Il faut arrêter de penser le marché comme une instance séparée, autonome, qui serait « entravée » par des exigences philosophiques ou morales, politiques ou idéologiques. Une société qui serait dirigée par le marché seul est une fiction. C’est une abstraction. Mais ceux qui érigent en loi naturelle les préjugés des théoriciens économiques savent très bien ce qu’ils font. Ils mènent le combat de l’opinion. Ils veulent imposer l’idée qu’il n’y a pas d’alternative à leur idéologie. Dans les médias, dans les entreprises, dans les administrations, ils se livrent à un travail de sape implacable, pour tout à la fois condamner le peuple à la résignation et pour décrédibiliser toute résistance à cette résignation.

Et ils ne sont pas loin d’y parvenir.

 

Aussi, j’en suis convaincue, notre premier travail consiste à faire partager nos analyses par la société française. Il faut le dire, l’expliquer, le répéter, l’asséner : la démocratie n’est pas un frein à la croissance. Au contraire, la démocratie est un levier vital du fonctionnement de notre société et du marché. Cela signifie que le principe économique doit être subordonné à la démocratie et non l’inverse.

Il faut cesser de croire que la croissance du pib exigerait une limitation du domaine de la démocratie. Il faut cesser de croire que cette limitation serait possible sans changement de régime politique. Il faut cesser de croire que parce que nous avons un niveau élevé de protection sociale, une cure d’amaigrissement de l’État providence serait possible sans bouleversement majeur.

Car la politique sociale n’est pas un simple appendice de la politique économique : elle est consubstantielle à la démocratie. L’État social, ce n’est pas un pourvoyeur d’allocations diverses. L’État social, c’est la fabrique du citoyen. Attaquer l’État social au nom du marché, c’est donc mettre en cause la survie de notre régime politique et du système économique lui-même.

En l’absence de l’intervention de l’État, le marché choisirait spontanément un niveau d’investissement dans l’éducation et la culture trop faible par rapport à celui que l’efficacité économique exigerait. C’est vrai aussi pour le domaine de la santé ou celui de la protection du travail. La fiscalité n’est pas une atteinte aux facteurs de croissance, mais au contraire une condition indispensable au maintien de notre société et de notre système économique. Éducation, recherche, innovation, infrastructures, logements sociaux, qualité de l’air, de l’eau, ressources naturelles… Les économistes les appellent des externalités. Mais c’est là que réside en fait le cœur du fonctionnement réel du marché et de la démocratie.

 

Nous devons résister au syndrome de Stockholm. Otages de la pensée dominante, nous ne devons pas nous croire contraints de lâcher l’État providence au profit de la dérégulation. Les socialistes n’ont pas le droit d’abandonner ce qui fait la force de leurs convictions. Ils n’ont pas le droit, par petites touches ou par grand ralliement, d’épouser un mouvement général parce qu’il se dit moderne, pragmatique ou responsable.

En matière de responsabilité, nous n’avons de leçon à recevoir de personne. Nos expériences au gouvernement, comme dans les collectivités locales dont nous avons la charge, montrent plus que clairement la qualité de notre gestion publique et l’efficacité économique de nos politiques. De 1997 à 2002, la croissance moyenne était de 2,7 % par an. Depuis 2002, elle est de 1,7 %. De 1997 à 2002, la dette publique a diminué d’un point de pib. Depuis 2002, elle a augmenté de 8,8 points de pib.

C’est au nom de cette expérience que nous sommes capables de refuser la vision d’une démocratie sociale qui vivrait aux crochets du marché. Nous sommes, dans nos territoires, dans notre exercice du gouvernement, porteurs d’une démocratie sociale qui s’appuie sur le marché, qui le fait mieux fonctionner, qui le régule.

Comme le rappelle Jean-Paul Fitoussi, « les sociétés les plus solidaires ne sont pas, loin s’en faut, les moins performantes. »

§3. inégalités capital-travail : le socialisme de répartition

La solidarité, parlons-en.

Sur la période 1998-2006, le revenu des 90 % des ménages les moins riches a augmenté de 5 %. Pour les 0,01 % les plus riches, cette augmentation est de 43 %.

Plus on était riche, plus on s’est enrichi. Forte croissance des revenus du patrimoine. Forte augmentation des inégalités de salaires. Pour tous les autres, stagnation des revenus. L’évolution annuelle moyenne du revenu médian était, de 1998 à 2002, de 1,03 %. Depuis 2002, elle est de 0,03 % !

Il n’y aura pas d’avenir collectif si l’on n’agit pas sur la répartition, c’est-à-dire avant sur le partage de la valeur ajoutée entre rémunération du travail et rémunération du capital.

Cette répartition, le marché ne l’assure pas de manière satisfaisante : ni pour les travailleurs, ni même pour l’avenir de notre société et du système économique. Le pouvoir d’achat n’est pas aujourd’hui une question de confort. Pour de nombreux ménages, c’est devenu une question de dignité, et même de survie. Comment promouvoir la cohésion sociale quand dans notre pays on peut travailler, respecter toutes les lois, et se voir contraint à la faillite personnelle ?

 

Nous devons aussi nous rendre compte que les mécanismes de redistribution qui ont été instaurés, comme les cotisations sociales, n’ont pas opéré le transfert attendu. Car ce n’est pas le capital qui paye les cotisations patronales, c’est le travail.

Nous devons donc imaginer de nouveaux dispositifs pour que la répartition entre capital et travail soit rééquilibré. Cela peut consister à renforcer l’impôt sur le revenu et alléger d’autres fiscalités – au Danemark, c’est l’impôt sur le revenu qui finance le système de protection de l’emploi.

Nous devons également garder à l’esprit que nous vivons dans un monde où l’épargne et l’investissement sont mobiles internationalement et où les États sont en concurrence pour attirer le maximum d’investissements. La taxation des revenus du capital pose donc des problèmes considérables. Seule la convergence fiscale, c’est-à-dire la taxation du capital au niveau européen, permettrait de mettre en place la redistribution capital/travail optimale du point de vue de la justice sociale.

 

Face à des dirigeants d’entreprise qui, en conscience, font le choix de ne pas partager avec leurs salariés, il ne reste que le rapport de force le plus brutal.

Et, quand on regarde les trente-cinq dernières années, la part de la rémunération du travail augmente entre 1970 et 1983, quand les luttes sociales permettent d’arracher des augmentations de salaires importantes. Elle diminue depuis vingt-cinq ans, longue période de rigueur imposée aux salariés.

Nous pouvons le regretter, mais nous ne pouvons pas l’ignorer. Les discussions entre syndicats d’employeurs et syndicats de salariés n’aboutissent pas à une répartition qui serait honorable pour chaque partie. La régulation entre partenaires sociaux est pourtant l’un des piliers de la démocratie de marché.

§4. créer de la richesse à répartir : le socialisme de production

La conflictualité, la faiblesse de la promotion interne, l’autoritarisme dans nos entreprises sont pointées par tous les observateurs.

Des études comparatives le démontrent : cette conflictualité est une particularité française et elle explique en grande partie la faiblesse de notre taux d’emploi. Le taux d’emploi, c’est-à-dire la fraction de personnes employées parmi celles qui pourraient l’être, se situe en France autour de 63 %, soit 10 points de moins qu’en Europe du Nord. Dix points, cela signifie 4 millions d’emplois manquants. 

Ce qui empêche en France de produire plus, ce ne sont pas les prétendues « rigidités » du Code du travail ou la lourdeur de la fiscalité du travail. C’est la rigidité des hiérarchies dans les entreprises, c’est la lourdeur des avenirs bouchés des salariés !

Produire plus en France, cela ne signifie pas que ceux qui ont un emploi doivent travailler plus, mais que ceux qui n’ont pas d’emploi doivent pouvoir en trouver un. Il ne faut jamais oublier que les inégalités les plus fortes sont celles qui séparent ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas.

Conclure, devant la faiblesse du taux d’emploi, que les Français ne travaillent pas assez et que c’est à cause des 35 heures relève de la forfaiture. Les 35 heures partaient précisément de ce constat qu’il valait mieux, pour tout le monde, partager le temps de travail en incitant à la création d’emploi.

Nous avions sous-estimé les résistances au changement dans l’entreprise. La question du capital humain est centrale pour la modernisation de notre appareil de production. Nous devons organiser des assises nationales des ressources humaines. Et permettre aux partenaires sociaux de trouver le chemin d’une régulation plus coopérative.

 

Nous devons également réinterroger la prospective qui nous promet une tertiarisation encore renforcée de notre économie et la désindustrialisation de la France.

Le mirage de l’économie de services s’est déchiré sur la réalité. Les souffrances au travail sont moins dues à des blessures physiques. Mais, pour porter davantage sur le mental, elles n’ont pas disparu, loin s’en faut, avec le développement des emplois de service. La faible qualification réclamée, la flexibilité sans autre limite que la loi, la pression productive, l’absence de perspective de progression, sont la dure réalité de ces gisements d’emploi. Nous ne devons pas nous en tenir là. Nous devons être vigilants sur toute proposition d’assouplissement des règles publiques s’appliquant à ces services – l’ouverture le dimanche ou la nuit, pour les commerces, notamment. Nous devons surtout permettre une organisation collective des salariés concernés et faciliter l’implantation des syndicats dans ce secteur. Nous devons enfin mener un travail de fond sur les formations, sur les qualifications, sur les perspectives de progression, afin que ce qui est souvent un « petit boulot » devienne un métier à part entière.

Dans le même temps, la puissance publique doit mettre en œuvre une politique industrielle. Depuis vingt ans, la délocalisation de nos industries dans les pays émergents nous a été présentée comme la fin de l’histoire. Mais il s’avère que les choses ne sont pas si simples. D’une part les coûts de la délocalisation ont été délibérément sous-estimés par les entrepreneurs, et beaucoup réimplantent leurs activités en Europe, voire en France. D’autre part, les industriels doivent savoir que l’on ne peut pas séparer l’innovation de la production : pour rester compétitif, il faut donc garder des unités de production près des centres d’innovation.

 

Le combat industriel est devant nous. Nous, socialistes, sommes porteurs d’une vision pour le moyen et le long terme, au-delà des fluctuations du marché.

La droite juge plus facile de s’abandonner à une lecture littérale de la stratégie de Lisbonne, prônant la tertiarisation de l’économie et la marchandisation des services publics. La droite préfère rechercher des effets de croissance à court terme en bazardant tout ce qui fait notre fierté économique et la qualité de notre vie collective. Mais le feu de paille ne nous réchauffera pas longtemps.

§5. la souveraineté

Et les menaces économiques ne manquent pas dans notre monde ouvert.

Les puissances économiques émergentes accumulent de vastes réserves de devises et sont en train de se doter de « fonds souverains ». Le fonds chinois est doté de 200 milliards de dollars, une somme qui pourrait croître rapidement, car le montant total des réserves chinoises est astronomique (1.400 milliards de dollars). Le fonds souverain russe disposerait de 128 milliards.

Ces fonds sont contrôlés par des États qui, pour certains, laissent entendre qu’ils pourraient les utiliser à des fins géopolitiques et non commerciales. On imagine sans difficulté les risques extrêmement lourds pour notre pays. Comment réagir à une prise de participation de ces fonds dans des entreprises françaises du domaine de l’énergie, de l’armement, de l’immobilier ou des médias ? Le gouvernement des États-Unis est intervenu à plusieurs reprises pour empêcher de tels fonds souverains de prendre des participations dans des infrastructures de transport (aéroports et ports) et dans des entreprises pétrolières. Au même moment, la droite privatise nos autoroutes, nos aéroports, et vend les participations publiques dans edf et gdf. Dans un contexte de risque avéré, la France ne peut pas être gérée avec une telle désinvolture.

 

Les phénomènes actuels d’envolée de certains prix agricoles (lait, céréales) doivent également être interprétés comme des risques durables de tension. La question de la sécurité de l’approvisionnement alimentaire de la nation est trop importante pour être laissée à la libre appréciation d’un marché fortement internationalisé et très concurrentiel.

§6. des exemples

Pour conclure, chers camarades, je voudrais rappeler simplement que le marché n’est pas synonyme d’avilissement et d’exploitation. Je pense ici à l’engagement des entreprises mutualistes, des coopératives, des scop, ainsi qu’à toutes les entreprises qui entrent dans le champ de l’économie sociale et solidaire.

(…).

Marylise Lebranchu

Députée du Finistère

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