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Fiche de lecture de Les Villes moyennes, diact, La Documentation Française, mars 2007

La lecture de ce petit livret de soixante pages, 12 € (tout de même !), laisse pour le moins songeur, tant les confusions y sont multiples et les intentions dissimulées. Ce qu’on retient in fine est sans rapport avec les villes moyennes : on pressent surtout, et non sans épouvante, la vacuité absolue de la pensée de l’aménagement du territoire aujourd’hui, en tout cas telle qu’elle est portée officiellement par la diact.

Car, plus grave que la nullité scientifique de la plupart des assertions de ce texte, c’est à l’impossibilité de l’aménagement du territoire que concluent le désarroi des chargés de mission de l’ex-datar et l’épuisement intellectuel de leurs experts attitrés.

Bien évidemment, ce n’est pas sur eux que doit porter le blâme, tout au moins, pas totalement. La tentation suicidaire « fin-de-règne » de la diact qui transpire dans ce texte traduit surtout la crise de confiance totale des gouvernements Raffarin et de Villepin dans les pouvoirs publics face au développement inégal du territoire national et face à la compétition mondiale.

Donner un sens à l’aménagement du territoire réclame en effet un engagement politique sans équivoque, qui ne rechigne pas à utiliser la contrainte réglementaire lorsque l’incitation financière ne suffit pas. Car la grande mutation qui rejette l’aménagement du territoire des années 1970 dans un Âge d’Or inaccessible, c’est la décentralisation. La répartition des compétences, et surtout des légitimités électives, pose un problème de fond, qui ne trouve de solution qu’en acceptant que l’État puisse oser à nouveau contraindre efficacement, voire agir là où les collectivités ou les entreprises sont défaillantes.

Accepter la contrainte de l’État, c’est être citoyen — mais le texte de la diact croit s’adresser à des sots, et non à des citoyens.

Qui me parle ?

Première surprise, page 3, on apprend que « ce document synthétique a été réalisé par la diact (…) avec la Fédération des maires des villes moyennes ». Cette précision, qui n’apparaît pas sur la couverture, jette un doute sur de nombreux passages du texte, dont on ne sait plus s’il s’agit d’un publi-reportage pour les villes moyennes ou d’un travail qui engage l’État.

Mais pire encore : quand l’une des conclusions de ce document encourage les villes moyennes à mobiliser le Volet Territorial des contrats de projets 2007-2013 (p. 55), qui parle ? Est-ce la diact qui, en marge de ses circulaires, donne un conseil d’ami aux villes moyennes, ou les villes moyennes qui attirent l’attention des Régions via un texte de la diact ?

De toute évidence, on ne peut plus masquer l’existence d’un véritable rapport de force entre collectivités publiques, État compris, dès que l’aménagement du territoire est en jeu. Dès lors, quel sens cela a-t-il de publier un texte commun diact-Villes moyennes ?

Enfin, pour l’anecdote, la diact retient pour la définition des Villes moyennes les aires urbaines entre 30.000 et 200.000 habitants, c’est-à-dire des échelons qui concernent beaucoup plus les présidents d’epci que la Fédération des maires… la commune restera toujours la commune !

Quel jour sommes-nous ?

La deuxième surprise vient de la découverte que le peu de données mobilisées pour le texte datent de 1999. Pourquoi attendre mars 2007 pour publier un tel texte ? La réponse semble correspondre au calendrier des Contrats de projets 2007-2013. En effet, sur les « cinq pistes d’action pour les villes moyennes », trois dépendent strictement de compétences d’État : les infrastructures de transport, l’enseignement supérieur, l’offre de soins (les deux autres pistes étant la relance économique et le renouvellement urbain des centres).

Ce sont les Contrats de projets qui vont permettre pour ces pistes d’action une conclusion optimiste — alors qu’ils n’étaient pas signés au moment de la rédaction du texte : « au terme des contrats de projets, de nombreuses villes moyennes vont gagner en accessibilité. » (p. 37) ; « dans les contrats de projets État-Régions 2007-2013, le volet enseignement supérieur prendra en compte des restructurations immobilières conséquentes… » (p. 40) ; « le champ culturel est largement pris en compte dans les contrats de projets État-Régions et de nombreuses lignes de crédits d’investissement sont abondées par des financements européens. Cela permet d’envisager pour la période 2007-2013 des opérations phares dans les domaines de la restauration du patrimoine. » (p. 52). Rien de tel n’est précisé pour ce qui concerne l’offre de soins.

Publier le texte avant début 2007 plaçait l’État devant des questions sans réponse ; le publier après la signature des Contrats de projets obligerait une évaluation ex-ante qui risque de démentir l’auto-satisfaction de la diact.

Panégyrique ou oraison posthume

L’accroche du texte, qu’on retrouve sur la quatrième de couverture, laissait entendre un retour en grâce de l’aménagement du territoire au ministère du même nom. « Les villes moyennes ont, en France, toujours revêtu une grande importance pour l’aménagement du territoire. Pendant les Trente Glorieuses, elles ont à la fois absorbé l’exode rural et participé au développement industriel ainsi qu’à la modernisation économique et sociale de notre pays. » (p. 4). « Dans le territoire européen (…) une telle implantation géographique des villes moyennes ne se retrouve pas fréquemment : la France possède ici une vraie force. » (p. 7). Une comparaison hasardeuse avec la Ruhr, l’Italie du nord et l’axe Liverpool-Machester, au prix d’un syllogisme basique, « confirme l’importance territoriale des villes moyennes dans l’équilibre du territoire. Ainsi notre pays a la chance et les moyens, à travers son semis régulier de villes moyennes, de garantir une certaine équité dans la répartition des services à la population. » (p. 7).

On peut saluer le retour subreptice aux travaux menés par Jean-Louis Guigou en 2000 sur la France en 2020. Mais au-delà du clin d’œil, toutes ces affirmations sont purement déclaratives, sans fondement et sans teneur. Car cela réclame un travail précis, d’évaluer l’équité de la répartition des services à la population, qui s’adressent, comme leur nom l’indique, aux populations et non aux territoires. Serait-il équitable d’attribuer le même nombre de bureaux de poste pour chaque commune de France ? Dix à Mende et dix à Paris ?

La question des villes moyennes porte moins sur l’équitable répartition des services à la population que sur la répartition de la population sur le territoire national. Les services à la population ne sont qu’une conséquence des choix que l’on fait pour la répartition de la population.

Une répartition de la population qui limite les pics de densité sur le territoire a, on peut le pressentir, des avantages et des inconvénients. Encore faut-il les quantifier et les comparer concrètement. C’est à cette occasion que l’on pourra enfin éprouver scientifiquement la notion de « masse critique ». N’est-ce pas un tel travail que l’on est en droit d’attendre des experts de la diact ?

Mais de toute manière l’hommage aux villes moyennes est de courte durée. « Le contexte social, économique et juridique des années 1970 a bien changé. Les villes moyennes ne jouent plus ce rôle de “laboratoire de la modernité” pour des populations confrontées à de nouveaux modes de vie urbains. (…) elles occupent aujourd’hui une place charnière dans les stratégies migratoires et résidentielles entre les grandes villes et les petites villes, sans compter les liens multiples d’interdépendance avec le milieu rural. » (p. 4).

Les villes moyennes ne sont donc plus les points d’appui d’une politique nationale d’aménagement du territoire, mais de simples territoires, pris dans des « interactions complexes » d’un système territorial plus vaste.

Tout va bien, madame la marquise

Est-ce l’influence de la Fédération des maires des villes moyennes, toujours est-il que la lecture du « diagnostic » de la démographie et de l’emploi des villes moyennes laisse une sensation contradictoire entre les tableaux et le texte. Ainsi « la dynamique d’attraction des métropoles (…) reste forte, mais les villes moyennes résistent relativement bien. On ne peut pas parler pour elles de récession, juste de stabilisation. » (p. 9). Les chiffres indiquent que la tranche des aires urbaines de 500.000 à 1 million d’habitants a augmenté de 7,2 % pendant que les aires urbaines moyennes ont augmenté d’environ 2,5 %, soit près de trois fois moins, et surtout beaucoup moins que la moyenne nationale de toutes les aires urbaines (3,9 %). Bien sûr, ces chiffres portent sur l’évolution 1990-1999, bien que de nouveaux chiffres aient été publiés par l’insee fin 2006.

À noter l’augmentation de personnes âgées de plus de soixante ans, plus forte dans les aires urbaines moyennes que dans les autres aires urbaines. « le vieillissement est une des données fondamentales pour comprendre l’avenir de nombreuses villes moyennes et anticiper sur les services et les équipements de demain. » (p. 13). Pour autant, la distinction n’est pas faite entre « vieillissement par le haut » (arrivée de retraités fortunés) ou « par le bas » (population sur place). Y a-t-il un filtre particulier pour les villes moyennes ou est-ce uniquement déterminé par le climat, quel que soit la taille de l’aire urbaine ?

L’évolution de l’emploi dans les aires urbaines moyennes est inférieure à toutes les aires urbaines entre 1990 et 1999 (hormis la tranche parisienne, qui perd 0,6 % d’emplois). À noter une moindre érosion, en revanche, des emplois publics, et une moindre augmentation du chômage. L’évolution des emplois de cadre est cependant plus faible que dans les autres aires urbaines.

Les secteurs les plus créateurs d’emploi dans les villes moyennes sont ceux qui ont trait à l’homme : « sélection et fourniture de personnel », « action sociale », « activités pour la santé humaine », « sécurité sociale obligatoire »… On trouve aussi le commerce, sous ses diverses formes : « commerce de détail en magasin non spécialisé », « en magasin spécialisé », « commerces de véhicules automobiles », « commerce de gros d’équipements industriels », « commerce de gros de produits alimentaires »… Viennent ensuite le btp et les transports urbains et routiers.

Les secteurs les plus destructeurs d’emploi dans les villes moyennes concernent la fabrication : « fabrication de vêtements en textile », « fabrication d’articles à maille », « fabrication d’appareils domestiques », « industrie chimique de base », « sidérurgie », « fabrication de chaussures »… à noter que certains secteurs sont à la fois de gros créateurs et de gros destructeurs d’emplois : « Commerce de gros de produits alimentaires » ou « fabrication d’équipements automobiles »…

La question de la répartition des cadres sur le territoire est l’objet d’un examen plus spécifique, qui montre que « les cadres des grandes villes trouvent à s’employer dans les villes moyennes mais ils ne sont pas encore prêts à y résider, à y dépenser leurs revenus élevés et à y payer leurs impôts (…) la population résidente possède un profil social inférieur à ce que le profil de l’emploi permettrait d’atteindre » (p. 26).

La répartition des fonctions de décision reste en revanche largement inchangée. « À l’évidence, la division spatiale du travail des années d’après guerre reste d’actualité, les fonctions de conception et d’organisation de la production restant l’apanage des grandes villes. » (p. 18). Le constat que les villes moyennes « restent souvent à l’écart des grands pôles de compétitivité et des sites de recherche-développement » conduit la diact à conclure ainsi : « les villes moyennes font des efforts d’invention et d’innovation qui gagneraient à être accompagnés et soutenus par des partenaires institutionnels régionaux et nationaux pour inscrire cette strate urbaine dans des créneaux économiques d’avenir. » (p. 18).

Qu’est-ce à dire ? paradoxalement, ce sont les villes moyennes qui jugées responsables de leur sort : « les villes et agglomérations moyennes ne doivent plus seulement chercher à attirer ou à accueillir telle ou telle entreprise mais sont appelées à définir un projet et une stratégie propres, appuyés sur la prise en compte des forces et des faiblesses intrinsèques du territoire local. » (p. 27)

En ce qui concerne la responsabilité de l’État, la diact s’en sort avec une pirouette d’une massive agilité : « les villes moyennes (…) ne peuvent plus faire l’objet d’une procédure ou d’un contrat unique parce que cette démarche uniforme, utile dans les années 1970, ne serait aujourd’hui ni juste ni efficace. Cette identité propre à chaque ville moyenne plaide pour des politiques publiques “sur mesure” adaptées à chaque situation. » (p. 29)

Comme elles sont toutes différentes, l’État ne peut plus aider les villes moyennes, qui doivent trouver leur avenir « en symbiose avec le système territorial environnant. Chaque ville moyenne construit localement sa stratégie et son projet de territoire, selon sa position géographique, son branchement aux réseaux de transports, son attractivité résidentielle, ses fonctions industrielles et tertiaires. » (p. 29).

Cinq pistes d’action pour les villes moyennes

La relance économique

Les axes de développement économique proposés à la réflexion pour les villes moyennes sont : l’économie résidentielle (qui doit être dorénavant « considérée comme un vecteur de développement, au même titre que l’économie productive exportatrice »), la logistique, les systèmes productifs locaux, les services aux entreprises.

Il est frappant que les compétences juridiques ou les moyens financiers des villes moyennes cadrent mal avec ces propositions. Les plateformes logistiques sont des infrastructures coûteuses, la formation, au cœur du spl, dépend de la Région et de l’État, les services aux entreprises sont à la charge des cci

L’accessibilité, le transport et le numérique

La sensation d’être à un tournant historique émane du constat : « Au terme du maillage autoroutier en voie d’achèvement et de l’aménagement des grandes liaisons routières d’aménagement du territoire planifiées, cette accessibilité sera partout satisfaisante à de rares exceptions près. » (p. 34). « L’État modernisateur gaullien » (p. 7) pourra-t-il donc s’évanouir définitivement ?

À noter le coup de chapeau tardif à la loi Voynet et à ses Schémas de services collectifs : « L’amélioration de l’accessibilité des villes moyennes ne passe pas uniquement par la modernisation ou le renforcement des infrastructures mais aussi par l’évolution de la gouvernance de ces mêmes réseaux à tous les échelons compétents. » (p. 34). À moins que ce ne soit un appel à créer un véritable bloc de compétence transport ? Toujours est-il qu’en matière de routes ou de ferroviaire, les villes moyennes peuvent proposer mais elles ne disposent pas !

En ce qui concerne les tic, certaines actions menées par des villes moyennes sont saluées ; mais ne voilà pas là un nouveau chantier pour l’État, digne des autoroutes d’après guerre ?

L’enseignement supérieur

Même tournant historique : « le maillage universitaire du territoire français, après une quinzaine d’année de déploiement, est aujourd’hui achevé. » (p. 44).

Suit cette phrase étrange : « tous les sites d’enseignement supérieur existants sont légitimes à condition qu’ils obtiennent un niveau de qualification, de spécialisation et de complémentarité en fonction du contexte local, national. » (p. 44).

On connaît les combats des villes moyennes pour obtenir ou défendre leurs antennes universitaires. Cela semble devoir se poursuivre, avec la volonté de « rationaliser et spécialiser les sites existants pour atteindre l’excellence » (p. 44).

Mais là encore, quelles sont les compétences des villes moyennes, ou des collectivités locales ?

L’offre de soins

Pour une compétence aussi régalienne que le soin, c’est tout de même aux villes moyennes que revient selon la diact la responsabilité d’organiser des partenariats avec les chu régionaux pour garantir l’offre de soins dans leurs équipements de santé.

Le renouvellement urbain

La diact reprend les outils de la loi sru (mais qu’a fait la droite depuis !) : scot, plh, plu… Mais en faisant abstraction des problèmes de compétences juridiques pour la « ville moyenne » prise comme un tout alors que la réalité se décompose en de multiples institutions.

Conclusion : beaucoup de stratégie

La conclusion le reconnaît : « le rôle de l’État demeure déterminant dans les domaines les plus discriminants pour la structuration du territoire : les réseaux de transport et les grands services publics nationaux que sont, par exemple, la santé ou l’enseignement supérieur. » (p. 55).

Mais après avoir insisté à plusieurs reprises sur l’impérieuse nécessité pour les villes moyennes de se doter d’une « stratégie », alors qu’elles n’ont en mains que très peu de leviers effectifs, la diact ne voit pas l’intérêt que l’État forge pour lui-même, c’est-à-dire pour le territoire national, une stratégie qui aurait d’autant plus d’importance qu’il détient effectivement des leviers déterminants pour l’aménagement du territoire !

La diact pousse la poussière sous le tapis des volets territoriaux des contrats de projets 2007-2013, qui constituent des « opportunités que ces villes moyennes peuvent utiliser pour ouvrir une nouvelle étape d’aménagement et renforcer leur rayonnement. » (p. 55).

Est-ce la garantie de l’efficacité de confier aux villes moyennes la responsabilité stratégique et à l’État les moyens financiers ? La diact, au lieu de donner des leçons aux villes moyennes, ne devrait-elle pas s’atteler à définir les axes d’une véritable stratégie d’aménagement du territoire qui ne se résume pas à la somme des résultats des négociations des cper ?

*

sb,
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